Transat Café L’Or : le débrief de la première semaine

Le départ de la Transat Café L’Or a été donné en deux temps le week-end dernier, samedi pour les Ocean Fifty, dimanche pour les trois autres classes (à suivre sur notre site). Sailorz revient sur les premiers jours et évoque les enjeux météo du moment, en compagnie de Jean-Yves Bernot, spécialiste de la météo et routeur, le skipper Imoca Nicolas Lunven, Erwan Le Draoulec, qui a chaviré samedi dernier sur l’Ocean Fifty Lazare x Hellio, et Erwan Israël, membre du Gitana Team.

Après cinq jours de course, SVR-Lazartigue (Tom Laperche/Franck Cammas), débarrassé à la sortie de la Manche de la concurrence de Banque Populaire XI, contraint de s’arrêter à Lorient pour une avarie de safran, est solidement installé aux avant-postes de la Transat Café L’Or. “Dommage que Banque Pop ait eu cette avarie, on aurait voulu les voir au contact, mais c’est vraiment propre en termes de trajectoires et de vitesse“, constate Jean-Yves Bernot, à propos du leader.“On peut parler de sans-faute, abonde Erwan Israël. Ils ont le petit plus en vitesse par rapport à leurs concurrents directs qui leur permet de ne pas prendre de risques, d’être juste conservateurs comme il faut, donc de ne pas faire d’erreur, on l’a encore vu ce vendredi avec leur contournement du Cap Vert par l’ouest.” A l’inverse, Sodebo Ultim 3 (Thomas Coville/Benjamin Schwartz) s’est montré plus joueur, avec notamment une traversée des Canaries entre les îles, qui fait dire à Jean-Yves Bernot : “Les dévents, c’est toujours la même chose, ça commence bien et ça finit mal. C’est une stratégie que je n’aime pas beaucoup, parce que tu gagnes peu et tu perds beaucoup, même si, finalement, ils ne s’en sont pas si mal sortis.”

Pour Erwan Israël, “le coup a failli marcher, même si l’opération s’est avérée un peu neutre parce qu’ils ont eu un dévent un peu plus fort que prévu. Je ne sais pas si ça les a échaudés et si c’est la raison pour laquelle ils ont choisi de contourner le Cap Vert par l’est.“ Une option que n’a pas suivie Actual Ultim 4 (Anthony Marchand/Julien Villion), l’ex Maxi Edmond de Rothschild, troisième ce vendredi, à propos duquel Jean-Yves Bernot note : “Ils semblent un peu moins rapides par moments, mais ça peut paraître normal, parce que ces bateaux sont tellement longs à prendre en main.”

Quid de Banque Populaire XI (Armel Le Cléac’h/Sébastien Josse), pointé à environ 250 milles du leader ? Peut-il espérer recoller ? “A court terme, ils vont reperdre du terrain à cause d’alizés qui faiblissent, répond Erwan Israël. Là où les autres sont passés à 30 nœuds en volant, eux devraient être à 15-20 en archimédien. Ensuite, la réponse est dans le Pot-au-noir qui débute très nord, vers 10-11°, et que SVR devrait toucher assez tôt, samedi matin. Il y a de grosses différences selon les modèles, certains sont très alarmistes et donnent un gros resserrement pour les trois premiers. Personnellement, je ne suis pas persuadé qu’il soit si horrible. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’améliore dans le temps, et que plus tu arrives en retard, mieux ce sera.” De quoi donner encore un peu d’espoir aux tenants du titre…

Partis samedi après-midi pour éviter les conditions très difficiles annoncées en Manche le lendemain, les Ocean Fifty ont tout de même eu le droit à une entrée en matière musclée qui a eu raison de trois d’entre eux, qui ont chaviré les uns après les autres, dans l’ordre Lazare x Hellio (Erwan Le Draoulec/Tanguy Le Turquais), suite à la casse d’un flotteur avant, Koesio (Erwan Le Roux/Audrey Ogereau) et Inter Invest (Matthieu Perraut/Jeab-Baptiste Gellée), victimes de brutales surventes.S’il a mis du temps à se pencher de nouveau sur la carto, Erwan Le Draoulec avoue avoir été “bluffé par la démonstration de Pierre (Quiroga) et Gaston (Morvan) sur le début de course“, ajoutant : “Les bateaux plus anciens comme Wewise sont certes un peu moins volages et plus costauds, mais leur trace météo a été exemplaire.” Ils ont finalement été repris par Edenred (Basile Bourgnon/Emmanuel Le Roch) mardi peu avant les Canaries. “Edenred est vraiment consistant, il fait peu d’erreurs quand il est devant, il a la vitesse qui lui permet de mettre un petit coup d’accélérateur quand il en a besoin, il est agile dans les vents variables, j’aime bien ce qu’ils font”, apprécie Jean-Yves Bernot.

Pour Erwan Le Draoulec, la performance du dernier-né de la flotte (plan Romaric Neyhousser), mis à l’eau en juillet dernier, est à souligner : “Basile et Manu, qui n’ont pas eu beaucoup de milles pour l’éprouver, ont su tirer profit du potentiel du bateau au reaching pour recoller sur Wewise avant les Canaries, ils n’ont pas fait semblant ! Au vu des 24h Ultim, on pensait qu’ils ne seraient pas très à l’aise dans le petit temps, mais ils ont plutôt bien traversé les vents légers des Canaries, c’est un bon point pour eux.” Pour ce dernier, les 48 prochaines heures jusqu’à la sortie du Cap Vert s’annoncent particulièrement importantes : “Les vents faibles ne sont pas loin au sud, on pourrait assister à un nouveau resserrement. Le premier à s’extirper du Cap Vert aura marqué des points, parce qu’ensuite, il n’y a plus d’arrêts météo sur la route.”

Ce qui ne veut pas dire que la partie sera jouée car la traversée de l’Atlantique proprement dite peut sourire aux bateaux performants au portant, comme le tenant Solidaires en Peloton (Thibaut Vauchel-Camus/Damien Seguin), Le Rire Médecin Lamotte (Luke Berry/Antoine Joubert) ou Viabilis Océans (Baptiste Hulin/Thomas Rouxel), bien revenu dans le match après son arrêt au stand à L’Aber Wrac’h. “J’ai fait une transat avec Thomas (Rouxel), ajoute Erwan Le Draoulec, je connais son talent à la barre et son sens de la glisse. A mon avis, ils doivent bien se frotter les mains d’être là aujourd’hui, ils vont savoir tirer le potentiel de leur bateau dans les alizés. C’est parfois aussi sur des bords que certains font la différence. Un ou deux nœuds de vitesse en plus sur une semaine de course, ça peut faire beaucoup de milles à l’arrivée.”

Après cinq jours de course, la bataille en Imoca fait rage, avec une situation météo qui, au nord des Canaries, a totalement redistribué le jeu et provoqué un resserrement de la flotte avec neuf bateaux en moins de 30 milles ce vendredi ! Jusque-là, Macif Santé Prévoyance (Sam Goodchild/Loïs Berrehar), plus à l’aise au près et en tête en sortie de Manche, puis Charal (Jérémie Beyou/Morgan Lagravière), apparu très performant au portant, s’étaient montrés aux avant-postes. “J’ai trouvé que Charal tenait bien la cadence, ils ont fait des petites modifications après le Vendée Globe qui leur ont fait franchir un petit palier, ça s’est confirmé dans ces conditions de portant”, note Nicolas Lunven.Avant d’expliquer la situation météo du moment : “On est depuis plus d’une semaine dans un flux dépressionnaire bien actif sur nos côtes, avec des fronts qui traversent l’Atlantique Nord et ont repoussé l’anticyclone des Açores très au sud, si bien que la zone des vents faibles s’est déplacée dans le nord immédiat des Canaries. Comme l’archipel est une marque de parcours (à laisser à tribord), ils sont tous obligés de traverser cette zone pour espérer récupérer le plus vite possible les prémices de l’alizé.” Chacun essaie dans ces conditions de trouver la porte de sortie, et “entre celui qui a 2 nœuds de vent et celui qui en a 3 ou 4, ça peut faire une énorme différence, généralement, celui qui sort le premier attrape le vent en premier, le riche devient plus riche.”

Ce vendredi, c’est 11th Hour Racing Team (Francesca Clapcich/Will Harris) qui mène la danse, mais pour Erwan Le Draoulec, “ils vont tous sortir plus ou moins en même temps“, tandis que Jean-Yves Bernot estime que “une fois aux Canaries, ils vont devoir descendre encore, avant de traverser, parce que l’alizé est mal installé.”

La descente au portant dans l’alizé bénéficiera-t-elle ensuite aux bateaux présumés à l’aise dans ces conditions, comme Allagrande Mapei (Ambrogio Beccaria/Thomas Ruyant) ou Charal sur ce qu’il a montré jusqu’ici ? “Oui, à partir de 18-20 nœuds, particulièrement pour les plans Koch comme Mapei, répond Nicolas Luven. Si l’alizé n’est pas très fort, autour de 15 nœuds, comme ça a l’air d’être le cas pour l’instant, les différences de vitesse ne seront pas significatives et les plans Verdier peuvent aussi tirer leur épingle du jeu. En tout cas, on devrait assister à un nouveau départ, ce qui va rendre la deuxième partie de course passionnante.”

Les conditions météo en fin de semaine au cap Finisterre ont conduit la direction de course à faire courir la Transat Café L’Or en deux étapes, avec une neutralisation de la flotte à La Corogne, et un nouveau départ samedi à 13h. Le classement de la première étape, courue majoritairement au près, dans l’ordre SNSM Faites un don ! (Corentin Douguet/Axel Tréhin), Seafrigo-Sogestran (Guillaume Pirouelle/Cédric Chateau), Amarris (Achille Nebout/Gildas Mahé), VSF Sports (Pep Costa/Pablo Santurde) et Legallais (Fabien Delahaye/Pierre Leboucher), fait dire à Jean-Yves Bernot : “Les gens qu’on a vus devant dans les courses d’avant-saison sont là, il n’y a pas de secret, ça veut dire que le travail paie.”“Le classement n’est pas surprenant, ceux qu’on attendait sont devant, ajoute Erwan Le Draoulec, passé par la Class40. J’ai eu Pep (Costa) au téléphone, il m’a dit que les vitesses du Lift V3 (SNSM Faites un don !) étaient impressionnantes. Maintenant, ils n’ont quasiment fait que du près, le portant arrive, ça va sans doute redistribuer, notamment en faveur des bateaux italiens (Musa 40) qui sont très polyvalents.”