SailGP a annoncé jeudi le transfert de Kevin Peponnet, qui quitte l’équipe française pour rejoindre, toujours au poste de régleur d’aile, Germany SailGP Team, mené par Erik Heil. L’occasion pour Sailorz d’échanger avec le marin de 34 ans.
Peux-tu nous expliquer comment s’est fait ce transfert ?
Ça s’est passé en cours de saison quand le management de SailGP France m’a annoncé que mon contrat ne serait pas reconduit. Tout au long de la fin de saison, un mercato s’est ouvert suite à l’arrivée d’une nouvelle équipe, Artemis, qui, plutôt que de s’appuyer sur nouveaux navigants, a préféré piocher dans les autres teams des équipiers déjà expérimentés sur le circuit. Ça a déclenché un jeu de chaises musicales et des équipes se sont mises à chercher des régleurs d’aile, notamment les Allemands, les Brésiliens, les Danois, qui m’ont contacté. Les discussions ont été assez loin avec les Allemands et les Brésiliens. J’ai choisi de répondre favorablement à la proposition allemande, un choix avant tout sportif, dans la mesure où c’est une équipe qui est dans une super dynamique : si tu prends en compte les quatre-cinq derniers événements de 2025, ils sont dans le top 3. Je n’avais pas la volonté de quitter l’équipe de France, mais j’ai essayé de rebondir et je suis très content d’avoir trouvé une équipe qui a les crocs.
Etait-ce une déception pour toi quand on t’a annoncé que tu ne serais pas reconduit ? Et quelles raisons ont été avancées ?
On m’a parlé d’envie de changement, d’apporter un nouveau souffle (voir les explications ci-dessous de Bruno Dubois), plus que de considérations techniques. Je l’entends et je fais avec. Maintenant, c’est forcément toujours délicat de quitter un groupe que tu apprécies et des amis. En particulier Quentin (Delapierre), avec lequel on a partagé beaucoup de choses depuis plus de dix ans. Notre première régate, c’étaient les Mondiaux en SB20 en 2014, ensuite, on a fait plusieurs Tours de France à la voile, on a fait un bon bout de chemin ensemble. Et plus globalement, cela faisait trois ans que j’étais dans l’équipe et ça se passait bien, j’ai toujours navigué dans mes projets avec des gens avec lesquels j’avais des atomes crochus. Là, j’arrive dans un team allemand où je ne connais pas grand monde, ça va être nouveau.
“Tu peux vivre
juste avec SailGP”
Il a toujours existé, mais au vu de la croissance de la ligue, avec de plus en plus d’argent et d’investisseurs, ça a pris plus d’ampleur et c’est devenu plus structuré, avec un nouveau cadre qui a été mis en place cette saison, des prêts encadrés, des transferts officiels d’équipe à équipe. On se rapproche de ce qui se fait dans le foot ou les ligues majeures. Cette saison, ça touche surtout les régleurs d’aile, puisque quasiment la moitié d’entre eux changent de team cet hiver (voir le mercato ci-dessous), un peu aussi les contrôleurs de vol et les grinders, moins les pilotes.Tu parles de plus d’argent, cela veut-il qu’un marin comme toi peut aujourd’hui vivre à 100% financièrement du circuit SailGP ?
Oui, depuis la saison dernière, tu peux vivre avec cet unique projet. C’était moins le cas les premières années, et c’est notamment dû au fait qu’il y a de plus en plus de dates. L’année prochaine, on en aura treize, avec à certains moments deux ou trois Grands Prix très rapprochés, c’est quasiment du quotidien. D’extérieur, on ne voit que les Grands Prix, mais le travail se poursuit entre les événements, ça ne laisse pas beaucoup de place pour d’autres projets. En 2024, on avait réussi à faire SailGP et la Coupe de l’America, ce n’est pas incompatible, mais ça devient de plus en plus compliqué de cumuler les deux.Tu nous donnerais une idée de la fourchette des salaires pratiqués sur le circuit ?
C’est un peu comme le foot, il peut y avoir pas mal de différences selon les équipes et les profils. Personnellement, sur les offres que j’ai reçues, ça allait du simple au double, je dirais que le salaire moyen serait de 10 000 euros par mois sur facture. Maintenant, ça peut aller au-dessus, j’ai eu des bruits de nouvelles équipes qui cherchent à attirer des marins expérimentés, moyennant des offres à 25 000-30 000 euros.
“Du coaching, ça me plairait”
Peut-être pas 100%, mais pas loin. Je pourrais me contenter de SailGP, mais j’ai quand même envie de m’investir sur d’autres projets, en tout cas sur des bateaux volants, et j’ai la chance que les Allemands soient très ouverts à cela. Ça peut être un programme perso de Moth, ou des missions pour des équipes d’ETF26 ou de TF35, je suis en discussion avec certaines. Pour la Coupe, je reste en contact avec K-Challenge, mais ça ne sera pas un projet principal, et pas forcément en tant que navigant. Du coaching, par exemple, ça me plairait, j’ai vraiment apprécié d’entraîner les ETF26 de K-Challenge sur la fin de saison, ce type de mission pourrait m’intéresser.Peux-tu nous dire un mot sur l’équipe allemande et son skipper Erik Heil ?
Il est quand même double médaillé olympique de 49er, ça pose son homme, il est brillant, simple et très sociable avec les équipiers, il aime leur rendre visite pendant l’année avec sa femme pour mettre en relation les familles. Et il est très efficace, les résultats parlent d’eux-mêmes : cela ne fait que dans ans que les Allemands sont sur le circuit et leur progression est assez folle, avec deux ou trois finales et une victoire, ce qui n’était pas dans leurs objectifs initiaux. Et du peu que j’ai pu voir, puisque mon contrat a commencé début décembre, je suis assez impressionné par la façon dont ils sont structurés et la qualité du travail. Mon gros enjeu va être de m’intégrer le plus vite possible dans l’équipe. La communication étant un élément clé sur ces bateaux où tout arrive très vite, mon objectif immédiat est de bien bosser mon anglais, on a aussi commencé à faire des exercices en simulant des courses pour être en mesure de délivrer dès le premier Grand Prix à Perth.
Interrogé sur la non-reconduction du contrat de Kevin Peponnet, Bruno Dubois, le manager de France SailGP, nous a répondu : “Je pense qu’on arrivait au bout d’un cycle. Kevin et Quentin sont plus que des amis, ils sont comme des frères, ça fait un bout de temps qu’ils naviguent ensemble, mais on sentait que pour continuer à progresser, lui et Quentin, il fallait peut-être que leurs chemins se séparent. Maintenant, ça se fait sans animosité, on reste en relation avec Kevin qui a fait un super travail de coach en ETF26, on discute pour voir s’il peut continuer et embarquer avec l’Académie de K-Challenge en vue de la Youth et Women’s America’s Cup.” La composition de l’équipe française de SailGP pour la saison 2026 sera dévoilée la semaine prochaine.
Photo : SailGP