74 duos prennent dimanche à partir de 14h le départ de la Transat Café L’Or. Comme avant chaque grande course, Sailorz a réuni un panel d’experts pour évoquer les forces en présence. Après les Ocean Fifty et les Class 40 la semaine dernière, focus sur les Imoca et les Ultim avec les skippers Imoca Paul Meilhat, Sébastien Simon et Nicolas Lunven, Charles Caudrelier, qui attend pour décembre son prochain Gitana 18, le directeur de course des 24h Ultim, Christophe Gaumont, et la directrice du pôle Finistère course au large, Jeanne Grégoire.
Avec 18 Imoca au départ, dont 13 foilers, la Transat Café L’Or présente un plateau resserré (ils étaient 40 en 2023, 23 en 2021), ce qui s’explique par le mercato de cette année post Vendée Globe, mais aussi par la proximité de The Ocean Race Europe qui ne s’est achevée que le 22 septembre dernier au Monténégro. “De retour de Méditerranée, les bateaux n’ont eu qu’une semaine de pause à Lorient avant d’être de nouveau convoyés au Havre. Humainement, tu as vécu trois mois loin de chez toi et le changement de contexte météo est rude !” explique Paul Meilhat, dont le contrat avec Biotherm est arrivé à terme, mais “n’aurait pas imaginé cumuler les deux épreuves si l’opportunité s’était présentée”.
De fait, seuls Allagrande Mapei (Ambrogio Beccaria/Thomas Ruyant) et Paprec Arkéa (Yoann Richomme/Corentin Horeau) ont choisi de participer aux deux courses, de même que Francesca Clapcich et Will Harris, la première étant désormais à la barre de l’ex Malizia de Boris Herrmann, rebaptisé 11th Hour Racing. Et si nos experts estiment l’enchaînement engagé, ils placent tout de même Paprec Arkéa en tête, de leurs pronostics, à égalité avec Macif Santé Prévoyance (Sam Goodchild/Loïs Berrehar).
“Yoann et Corentin ont fait beaucoup de milles ensemble, le premier a l’expérience, le second, qui skippera cet Imoca l’an prochain, sera à 2000 pour cent !” estime Jeanne Grégoire. “Les plans Koch Finot-Conq sont supérieurs dans la forte brise au portant. A 15 nœuds mer plate, les Verdier font jeu égal, mais dans un alizé musclé, ils vont en moyenne un nœud plus vite”, ajoute Nicolas Lunven. Celui qui se charge du routage d’avant-course pour le pôle Finistère Course au Large ajoute : “Si tu parcours les 2 500 milles entre les Canaries et Fort-de-France à 20 nœuds de moyenne en ligne droite, ça fait cinq jours de course et donc plus de 100 milles d’écart à l’arrivée. C’est une comptabilité très sommaire mais il faut garder ça en tête.”
Macif Santé Prévoyance en pole position
Nos experts soulignent d’ailleurs le parcours assez original des Imoca (4 350 milles), canalisé par l’archipel des Canaries à laisser à tribord, ce qui, selon Paul Meilhat, “peut vraiment bloquer le jeu”. “Après les Canaries, ça risque de ressembler à une course de vitesse, confirme Sébastien Simon. Mais la question n’est pas tant de savoir ce qui se passera après qu’avant !” Et le troisième du Vendée Globe, qui surveille de près la construction de son nouveau plan Verdier chez Carrington en Angleterre, de voir en Macif Santé Prévoyance le favori logique : “Ils vont gagner parce que le bateau est très polyvalent, extrêmement rapide au près, ce qui est capital pour la descente, et le tandem est en pleine confiance. Les résultats [victoire sur la Course des Caps et le Défi Azimut, NDLR], la dynamique avec les annonces récentes [nouvelle campagne jusqu’en 2030, voir notre article], tout ça joue dans leur sens.”
Le duo formé par Sam Goodchild et Loïs Berrehar tient donc la corde sur l’Imoca vainqueur du dernier Vendée Globe, un bateau dont le sistership Association Petits Princes-Quéguiner, lancé en 2025, est considéré par certains comme trop jeune dans la classe pour faire mieux qu’une place d’honneur. Seul Nicolas Lunven l’imagine sur le podium, en troisième position : “Le plan Verdier reste la référence, il a bénéficié de l’expertise de MerConcept, si bien que son équipage a tout de suite trouvé les manettes à l’entraînement et en course [deuxième à la Course des Caps, victoire au Fastnet NDLR].“ Jeanne Grégoire se dit quant à elle “très impressionnée par le niveau de maturité d’Elodie dans la gestion globale de son projet depuis le début de saison”.
Au même niveau que le duo Elodie Bonafous/Yann Eliès, nos experts placent celui d’Allagrande Mapei, composé de deux tenants du titre, Ambrogio Beccaria (vainqueur en Class40) et Thomas Ruyant (qui l’a emporté en 2021 et 2023 en Imoca), mais handicapé dans sa préparation, entre son souci structurel sur la Course des Caps et sa collision avec Holcim PRB au départ de The Ocean Race Europe.
Pour la troisième marche du podium, ils misent davantage sur Charal, mené par le tandem Jérémie Beyou/Morgan Lagravière. “Ils ont les crocs, ont beaucoup travaillé sur le bateau et il peut y avoir un effet Morgan pour son feeling incomparable”, souligne Sébastien Simon, qui rappelle que ce dernier a accompagné Thomas Ruyant sur ses deux dernières éditions victorieuses en Imoca. Un feeling que met également en avant Jeanne Grégoire, qui a par ailleurs observé une progression du plan Manuard lors des derniers entraînements de Port-La-Forêt : “Ils décollent plus tôt qu’avant, notamment au près et c’est une variable capitale dans toutes les transitions. La bagarre va être de toute façon très serrée et c’est sur les petits détails que se jouera le podium.”
Le podium de nos experts : 1. Macif Santé Prévoyance et Paprec Arkéa, 3. Charal
Deux “maxi favoris” en Ultim
Avec 6 200 milles devant les étraves, une incursion dans l’hémisphère sud et le Pot-au-noir à traverser dans les deux sans, c’est un menu très complet qui attend les Ultim, pour lesquels, de l’avis de tous, l’interdiction du routage n’aura aucune conséquence sur les prétentions de chacun. Directeur de course des 24h Ultim, dernière confrontation avant la Transat Café L’Or, Christophe Gaumont note que “tous les bateaux ont nettement progressé en un an, pas seulement le Maxi Banque Populaire XI avec ses nouveaux foils”. Ce que confirme Jeanne Grégoire, qui a réuni cet automne les quatre bateaux lors d’un entraînement à Port-La-Forêt : “Ils n’étaient pas tous le même niveau selon les allures, mais sont toujours au contact, c’était très beau à observer !”
Vainqueur en 2021 avec Franck Cammas, Charles Caudrelier se montre de son côté “impressionné par la progression du Maxi Banque Populaire XI qui décolle plus tôt et se révèle beaucoup plus performant au près”. Tenant du titre, l’Ultim mené par Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse est d’ailleurs toujours cité comme vainqueur par tous nos experts, mais systématiquement ex-aequo avec SVR-Lazartigue ! “Hors fait de course, on ne voit pas très bien ce qui pourrait empêcher l’un ou l’autre de l’emporter”, résume Christophe Gaumont.
Vainqueur des deux confrontations de l’année (Fastnet et 24h Ultim), le plan VPLP de Tom Laperche et Franck Cammas, deuxième à Fort-de-France en 2021 et 2023, est considéré par Charles Caudrelier comme “la plus belle plateforme”. Une plateforme réputée fragile, ce qui n’est plus d’actualité pour celui qui peaufine son Gitana 18, prochain Ultim à prendre son envol. “Ils ont eu des soucis de fiabilité par le passé, mais parfois dus à la malchance et ce ne sont pas des problèmes majeurs. Le bateau est très bon, Tom est un pur talent et Franck l’un des meilleurs dans ce genre d’exercice.”
Avec seulement quatre bateaux au départ, (ils étaient cinq en 2023), parier sur un podium revient aussi à déterminer le maillon faible de la petite famille des grands trimarans volants. Jeanne Grégoire résume l’avis de beaucoup en disant : “Sodebo sera au rendez-vous dans les conditions musclées, mais conserve de petites lacunes de vitesse qu’il risque de payer à un moment ou à un autre.“ Pour Christophe Gaumont, le gros point d’interrogation reste “le niveau de prise en mains par Anthony Marchand et Julien Villion, d’Actual Ultim 4”. L’ex Gitana 17 – qui “n’a pas évolué techniquement depuis deux ans”, selon son ancien skipper Charles Caudrelier – reste visiblement une référence de la catégorie, puisqu’il se retrouve le plus souvent cité pour compléter le podium.
Le podium de nos experts : 1. Banque Populaire XI et SVR-Lazartigue, 3. Actual Ultim 4
Photo : Julien Champolion