Imoca Bureau Vallée

Imoca : face au départ de certains sponsors, faut-il s’inquiéter ?

Le 30 septembre, Bureau Vallée a annoncé la fin, en avril 2026, de son partenariat sportif avec Louis Burton, initié en 2010. Depuis le dernier Vendée Globe 2024-2025, d’autres sponsors ont fait de même. Faut-il y voir la conséquence directe du contexte économique actuel ou une forme de retour à la normale après des années euphoriques ? Sailorz a enquêté. 

Plusieurs têtes d’affiche du dernier Vendée Globe ont perdu leurs sponsors pour la saison 2025 (ou à l’issue de celle-ci) : Maxime Sorel (V and B, Monbana et le département de la Mayenne), Yannick Bestaven (Maître CoQ), Thomas Ruyant (Advens), Damien Seguin (Groupe Apicil), Giancarlo Pedote (Prysmian) et, derniers en date, Paul Meilhat (Biotherm) et Louis Burton (Bureau Vallée). Dans un communiqué de presse diffusé le 30 septembre, Adrien Peyroles, directeur général de Bureau Vallée, que nous n’avons pas pu joindre (pas plus que le skipper), a expliqué : “Dans un contexte économique complexe, Bureau Vallée a fait le choix de réallouer les budgets consacrés au sponsoring voile à d’autres priorités stratégiques de l’entreprise (…) Mettre fin à ce partenariat aujourd’hui relève d’une réorientation stratégique nécessaire au bon développement de l’entreprise.”

Interrogé sur ces départs de sponsors, pour la plupart des non-renouvellements de contrats, David Sineau, team manager d’Initiatives-Cœur jusqu’à la fin de l’année et qui cherche par la suite à héberger le projet d’un skipper pour le Vendée Globe 2028 avec sa structure Planète Racing (voir notre article), ne veut pas être alarmiste. “Il faut remettre les choses en perspective : l’anomalie, ce n’est pas ce qu’on vit aujourd’hui, mais plutôt ce qu’on a connu il y a quatre ans. À ce moment-là, le taux de réengagement des sponsors était quasiment de 100%, du jamais vuHistoriquement, il est très rare de voir des partenariats durer plus de dix ou quinze ans. Donc le fait qu’aujourd’hui plusieurs sponsors de longue date arrêtent en même temps n’est pas anormal, même si ça peut donner l’impression d’une rupture.”

Paul Meilhat, récent vainqueur de The Ocean Race Europe et en recherche de partenaires, partage cette analyse : “Nous sommes un peu amnésiques, on se rappelle d’hier mais jamais d’avant-hierOn pense que la réalité des quatre dernières années était celle des trente précédentes. Mais ce n’est pas le cas. En fait, on passe d’une période euphorique à une situation plus “normale”. À chaque fin de cycle, des partenariats se terminent et d’autres débutent.” Et ce dernier de noter : “En ce moment, beaucoup de bateaux se construisent et de nouveaux marins arrivent dans la classe, comme Ambrogio Beccaria, Corentin Horeau, Élodie Bonafous, Loïs Berrehar ou Francesca Clapcich.”

​​Prudence et attentisme 

Il n’en demeure pas moins que des marins en quête de sponsors sont en difficulté, à l’instar de Maxime Sorel“J’ai envoyé 250 dossiers, peut-être même plus, à chaque fois un dossier sur-mesure, avec une maquette aux couleurs de l’entreprise ciblée, et un contact identifié, souvent le responsable marketing. Et pourtant, ça ne marche pas. Et le 10e du Vendée Globe 2020 (abandon lors de la dernière édition) d’expliquer : “Selon moi, c’est clairement dû au contexte économique et à l’absence de visibilité. Ce n’est pas lié à la voile en particulier, c’est plus global, le constat est le même dans d’autres disciplines comme le cyclisme ou le sport auto. Les entreprises n’ont pas confiance en l’avenir, elles restent dans une forme d’attentisme, préférant épargner et ne pas prendre de risque. Quand on discute avec des prospects, ils trouvent nos projets passionnants, ils voudraient y aller, mais ils espèrent un horizon plus clair et nous disent souvent : “On se recontacte plus tard.” Ça veut dire que certains rateront peut-être la Route du Rhum 2026 mais se reposeront la question pour 2027.” Un constat partagé par David Sineau : “Avant, on arrivait à embarquer nos partenaires dans notre tempo, en leur disant : “Si on veut être prêts, il faut décider maintenant”. Aujourd’hui, c’est plus compliqué : les entreprises prennent leur temps, ça rallonge le processus.”Présente dans l’univers de la voile depuis plus de trente ans et ancienne team manager de Yannick Bestaven, Anne Combier analyse de son côté : Le contexte international n’aide pas, c’est un vrai stress pour les entreprises. Toutes les personnes que j’ai contactées pour Yannick m’ont donné comme prétexte, à tort ou à raison, une ambiance économique qui les pousse à rester prudentes et à ne pas réinvestir. Au début, j’étais très optimiste avec Yannick car il a un super bateau et un projet clés en main. On avait par ailleurs pas mal de portes ouvertes. Et pourtant, je me suis cassé les dents.” Plus ou moins optimistes sur l’avenir à court et moyen terme du sponsoring voile, les personnes que nous avons interrogées s’accordent pourtant à dire que la course au large demeure attractive. Mais entre susciter l’intérêt d’une entreprise et obtenir son engagement, il y a une marche souvent difficile à franchir.

Les budgets en question

Dans ce contexte, nos interlocuteurs n’imaginent pas voir les 40 places allouées aux Imoca sur la Route du Rhum 2026 toutes trouver preneurs, pariant plutôt sur environ 25 bateaux engagés. “En 2014, quand j’ai lancé mon projet avec SMA, il y avait seulement 9 Imoca au départ et 5 à l’arrivée”, relativise Paul Meilhat, avant d’affirmer : “Ce ne sera pas une mauvaise nouvelle s’il y a moins de 40 bateaux en lice en 2026, au contraire. Le modèle économique est beaucoup plus viable pour les sponsors avec 25 concurrents, car on divise le gâteau médiatique en moins de parts.”Le vainqueur de The Ocean Race Europe évoque par ailleurs “un retour de bâton” avec des projets devenus trop chers, particulièrement quand il faut construire un Imoca à foils, insistant sur la nécessité de “limiter les budgets et de revenir à quelque chose de plus raisonnable”. Même analyse chez Maxime Sorel : Rien que l’assurance d’un Imoca coûte entre 300 et 400 000 euros. Aujourd’hui, je n’ai pas ces fonds, donc le bateau reste au sec. J’ai tenu à maintenir les membres de mon équipe technique en activité, en leur trouvant du travail, pour garder une structure en place le plus longtemps possible. Mais clairement, on approche d’une zone critique.” 

Une situation également vécue par Yannick Bestaven, contraint de mettre en vente récemment son Imoca, faute de trouver des partenaires pour prendre le relais de Maître CoQ. “Pour avoir un projet performant sur le Vendée Globe, sans abuser et en ayant une équipe de taille raisonnable, il faut compter au minimum 2,5 millions d’euros hors taxes par an, éclaire Anne Combier. Si on veut faire une comparaison, c’est plutôt 15 à 17 millions d’euros par an pour une équipe cycliste. Après, ce sport propose beaucoup plus d’événements que la voile.”

Ce contexte morose, conjugué à l’incertitude politique en France, pousse certains marins à prospecter à l’international“C’est d’ailleurs outre-Atlantique qu’on arrive à avoir le plus d’ouvertures”, note Maxime Sorel. “Il faut ouvrir le champ des possibles, ajoute Paul Meilhat. En Imoca, notre force est d’avoir un programme international grâce à The Ocean Race, il faut en profiter. Sur The Ocean Race Europe, on a noué des contacts un peu partout.” La plupart des projets Imoca, y compris ceux des skippers internationaux, sont cependant basés en France, fait remarquer Anne Combier, qui ajoute : “Si on prospecte à l’international, il faut donc le faire auprès d’entreprises qui ont des intérêts en France, comme DMG Mori par exemple.”

Photo : Benjamin Sellier/wind4production.com

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