Will Harris

Will Harris : “Un rêve de finir l’histoire comme ça !”

Derrière l’intouchable duo Jérémie Beyou/Morgan Lagravière (Charal)Francesca Clapcich et Will Harris (11th Hour Racing, ex Malizia) ont pris le vendredi 7 novembre la deuxième place en Imoca de la Transat Café L’Or. L’occasion pour Sailorz d’échanger avec le marin britannique, qui, à 31 ans, ne cache pas ses ambitions de Vendée Globe.

Votre deuxième place à Fort-de-France a été considérée comme une surprise, est-ce qu’elle l’a été pour vous ?
Pour être honnête, oui. Finir deuxième, c’était plus haut que ce qu’on avait imaginé avant le départ. Quand on me posait la question au Havre, je répondais que je voulais faire mieux qu’en 2023, à savoir septième, donc deuxième, c’est très cool.

Comment expliques-tu que tu passes de la septième place en 2023 avec Boris Herrmann à la deuxième deux ans plus tard avec Francesca sur le même bateau (l’ex Malizia-Seaexplorer, plan VPLP de 2022) ?
Pour moi, il y a plusieurs raisons. La première, c’est qu’il y a deux ans, on avait été victimes après la première nuit, déjà dans une grosse tempête, d’un problème de pilote dans le golfe de Gascogne, alors qu’on avait poussé pas mal depuis le départ. On avait passé six-sept heures à réparer, on en était ressortis très fatigués, on avait perdu pas loin de 50 milles. Ça nous a bien servi de leçon, parce que cette fois, quand on a vu qu’il y avait encore une grosse tempête d’entrée de jeu, on a pensé notre stratégie en se disant qu’il fallait bien dormir pour être en mesure d’avoir suffisamment de ressources en cas de problème dans les premières heures de course. Et il s’est avéré qu’on a encore eu un souci de pilote automatique ! En l’occurrence de connexion d’une prise électronique, si bien que le pilote a fait un 360 dans 35 nœuds, ce n’était pas très confortable. Mais parce qu’on avait réfléchi à notre stratégie, on a eu la bonne énergie pour faire cette réparation dans la dorsale du golfe de Gascogne, sans perdre trop de milles cette fois-ci.

Et les autres raisons ?
La deuxième, c’est que depuis cette année, on a une V3 de foils. Sur The Ocean Race Europe, ça ne nous a pas vraiment aidés – on a terminé quatrièmes – mais plus parce que c’était une course de petit temps, ce qui n’est pas le point fort du bateau. En revanche, on avait eu de très bons moments de vitesse dans certaines conditions, qui se sont confirmés sur la Transat Café L’Or, notamment dans les alizés dans 15-20 nœuds. Avec la V2, c’était très compliqué de voler tout le temps, alors que là, le bateau allait vraiment bien. La troisième raison, c’est qu’avec Francesca, on a accumulé beaucoup de confiance du fait de nos expériences précédentes, si bien qu’on s’est peu préoccupés des autres pendant une grande partie de la course, on s’est concentrés sur notre stratégie, sur ce qu’on savait faire avec le bateau.

Vous avez été plusieurs fois été en tête, notamment à la sortie de la dorsale au nord des Canaries, comment avez-vous fait par la suite pour rester dans le paquet de devant ?
Pendant toute la période d’alizés, il y a eu trois périodes. La première partie, au VMG dans pas beaucoup de vent, Charal s’est montré incroyable, il s’est retrouvé en mode complètement foiling à partir de 13 nœuds. On devait être 30 milles devant lui en sortant des Canaries, et en une demi-journée, on était 5 milles derrière, c’était très impressionnant ! Ils ont vraiment trouvé une bonne vitesse grâce au travail fait sur leurs safrans ces dernières années, je pense que tout le monde doit regarder ça de près pour les futurs bateaux… Dans la deuxième partie, un grand bord tribord amure, Macif a été un peu plus rapide que nous, c’étaient de bonnes conditions pour lui, 17 nœuds pas complètement au VMG portant, mais à la fin de ce bord, quand il a fallu abattre pour un meilleur VMG, on a réussi à mieux le faire, si bien que quand on a empanné, nous n’étions qu’à 10 milles de lui. La troisième partie, au VMG portant dans une houle vraiment compliquée, le bateau allait clairement mieux. Avec son franc-bord haut et tout le matossage à l’arrière, on volait à 27 nœuds dans 20 nœuds de vent quand les autres ne pouvaient pas voler tout le temps parce qu’ils plantaient dans la mer. La dernière nuit, les safrans ont même décroché deux-trois fois car on volait trop haut !

“Je cherche à monter
mon propre projet”

Quelle a été votre stratégie pour assurer cette deuxième place ?
Quand on a compris qu’on avait réussi à contenir Mapei, qui était plus de 50 milles derrière, et donc que le podium, qui était devenu notre objectif, était quasiment assuré, on est davantage passés en mode attaque par rapport à Macif, avec lequel on était bord à bord à 24 heures de l’arrivée. On a alors fait deux ou trois empannages de plus, trouvé de bonnes bascules, ça nous a aidés à gagner 15 milles par rapport à lui, on a barré tout le temps, poussé au max, pas dormi, parce qu’on voulait éviter les risques à l’arrivée, on termine finalement deux heures devant.

Quel est ton sentiment avec cette deuxième place ?
C’est une année qui se passe bien pour moi, puisque j’ai gagné l’Admiral’s Cup en juillet (avec le Yacht Club de Monaco) et que cette deuxième place est mon meilleur résultat en Imoca. Je suis vraiment content parce que j’ai beaucoup travaillé sur Malizia ces dernières années, c’est cool d’être récompensé, c’est un rêve de finir l’histoire avec le bateau comme ça !

Cela veut-il dire que tu quittes le projet 11th Hour Racing pour revenir auprès de Boris ?
Pas tout à fait, car le projet de Francesca est géré par l’équipe Malizia, je ne vais donc jamais être très loin d’elle et je vais continuer à l’aider, notamment pour passer au solo, ce qui n’est pas facile. Mais je ne m’inquiète pas pour elle, parce qu’elle a déjà une bonne expérience de l’Imoca – elle a gagné The Ocean Race avec 11th Hour Racing – et un passé olympique qui fait qu’elle cherche toujours à mettre en place des stratégies pour faire mieux. Elle a aussi fait la Solitaire du Figaro, ce qui, selon moi, est un point très fort. Pour revenir à ta question, je vais effectivement continuer avec Boris. Le nouveau bateau arrive l’été prochain, il faut utiliser les huit prochains mois pour travailler sur l’équipage et être bien prêts pour la mise à l’eau, car ensuite, on sera à fond jusqu’à The Ocean Race. Pour la suite, Boris est très motivé par le prochain Vendée Globe sur Malizia 4, de mon côté, je cherche à monter mon propre projet, j’espère que cette deuxième place va m’aider à trouver des sponsors et des investisseurs.

A quel type de projet penses-tu ?
Mon objectif est d’être le premier étranger à gagner le Vendée Globe, pour cela, il faut avoir un bon bateau. Aujourd’hui, le plan le plus réaliste serait d’en acheter un, il y a beaucoup d’Imoca à vendre actuellement, avec lesquels c’est possible de faire un très bon résultat, c’est le bon moment pour investir. Maintenant, j’ai 31 ans, mon but premier est de commencer un projet et d’être sur la ligne de départ en 2028, j’aurai encore beaucoup d’années devant moi après.

Photo : Olivier Blanchet / Alea

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