La Transat Café L’Or s’annonce comme l’épreuve du feu pour les P’tits Doudous, l’Imoca d’Armel Tripon mis à l’eau en juin et construit par Duqueine Atlantique, chantier initialement spécialisé dans l’aéronautique. La particularité de ce plan VPLP, sistership (pour la carène) de Malizia-Seaexplorer (devenu récemment 11th Hour Racing), est qu’il a été fabriqué en grande partie (65%) à partir de fibres de carbone reclassé provenant de l’aéronautique (voir notre article).
“Tout au long du projet, nous avons dû faire preuve d’adaptabilité, de recherche et de développement. Et c’est cet ADN que nous souhaitons garder pour nos futurs projets”, souligne Gilles Quevat*, en charge du projet pour le chantier basé à Malville (Loire-Atlantique). Cette première a effectivement poussé les équipes de Duqueine Atlantique à sortir de leur zone de confort dans un certain nombre de domaines.
Pendant six mois, l’entreprise a d’abord mené, en collaboration avec Airbus et l’Imoca, des recherches sur l’utilisation du carbone reclassé afin de respecter les règles de la classe, en adaptant notamment les températures de cuisson. Les architectes ont dans le même temps dû redimensionner le bateau “car les grammages du carbone reclassé ne sont pas les mêmes que ceux utilisés dans le nautisme, le nombre de plis à poser a donc été revu“, précise Nicolas Francheteau, responsable des avant-projets/projets/
Par ailleurs, “la nécessité de cuire ce carbone à 135 degrés nous a contraints à ré-échantillonner les matériaux d’âme (les mousses) habituellement utilisés dans le secteur, car ils ne tiennent pas au-delà de 110 degrés. Toute une chaîne de matériaux a dû être modifiée.” Autre écueil à surmonter : lors de la pose des premiers plis, le chantier a découvert des différences de qualité des rouleaux transmis par Airbus. “Un jour, nous avions un carbone parfaitement drapable et le lendemain, un tissu qui ne collait pas du tout, les opérateurs ont dû s’adapter au jour le jour”, poursuit Nicolas Francheteau. De l’adaptation, il en a également fallu pour l’assemblage : “Comme nous sommes partis de zéro dans ce domaine, afin d’anticiper le greffage, un technicien s’est attelé pendant presque un mois à faire des essais pour trouver la meilleure technique”, souligne Gilles Quevat.
A ces défis techniques se sont ajoutés des enjeux de logistique, Duqueine Atlantique ayant dû mener de front l’accueil du moule au cours de l’été 2023, la transformation d’un bâtiment de stockage en atelier de production, l’installation de bureaux et le recrutement de l’équipe d’opérateurs et d’ingénieurs. A l’arrivée, la construction de la black box (coque, pont et pièces de structure assemblés) aura mobilisé 20 personnes en moyenne pour un total de 45 000 heures de travail. “Quelques pièces ont été sous-traitées, mais beaucoup moins que prévu car le carbone reclassé faisait très peur aux sous-traitants”, précise Nicolas Francheteau.
Qui, comme toutes les équipes de Duqueine Atlantique, attend avec impatience les retours d’Armel Tripon à l’issue de la Transat Café L’Or, ce dernier ayant confié mi-septembre à l’issue du Défi Azimut, sa toute première course : “Structurellement, rien n’a bougé, ce qui nous donne une totale confiance dans notre bateau, la structure composite et le système de gréement sont impeccables.”
“La Transat Café L’Or va nous permettre d’être sous les feux des projecteurs, on sait que de potentiels clients attendent de voir le bateau naviguer en course avant de se lancer”, confie Nicolas Francheteau. Cette première a en effet conforté Duqueine Atlantique dans sa stratégie de diversification dans le nautisme, qui, en 2024, a représenté 10% de son chiffre d’affaires. “L’objectif est de tendre entre 20 et 30% d’ici trois à cinq ans”, ajoute ce dernier. Cette diversification concerne la course au large : le chantier a construit cet été la black box du Mini 6.50 Greenscow signé Yannick Eudeline (Gildas Plessis Yacht Design) et noué des contacts en Class40 et en Ocean Fifty. Mais également la plaisance, en particulier pour de la production en série.
Photo : Pierre Bouras
