Alexis Loison

Solitaire du Figaro Paprec : Le debrief

La 56e édition de la Solitaire du Figaro Paprec a été remportée dans la nuit de jeudi à vendredi par Alexis Loison (Groupe Réel), auteur d’un quasi grand chelem, devant Charlotte Yven (Skipper Macif 2023) et Arno Biston (Article.1). Sailorz débriefe cette Solitaire avec deux anciens vainqueurs, Pierre Quiroga (2021) et Corentin Horeau (2023), Loïs Berrehar (3e en 2023 et 2e en 2024), l’entraîneur lorientais Tanguy Leglatin et le routeur Dominic Vittet.

“Franchement, c’est une Solitaire que je n’aurais pas forcément aimé faire ! Elle a été très physique, technique, mentale et stratégique, avec deux dorsales, trois fronts, beaucoup de près VMG, il fallait réunir beaucoup de compétences pour arriver à un bon résultat. Voilà résumée par Pierre Quiroga une 56e édition “extrêmement rude”, complète Dominic Vittet, d’autant que, comme le fait remarquer Tanguy Leglatin, “avec le report du départ de la deuxième étape, les marins n’ont eu qu’une vraie nuit de repos avant de repartir sur la troisième, l’enchaînement n’était pas évident“.

Autant dire qu’il fallait être costaud pour briller, et son vainqueur, Alexis Loison (41 ans), l’aura été tout au long de cette Solitaire, qu’il courait pour la 19e fois, lui dont le meilleur résultat était une 4e place en 2021. Gagner la Solitaire à la 19e participation, c’est un très beau message, ça montre qu’il faut savoir se battre pour obtenir quelque chose. Certains ont craqué avant et ne la gagneront jamais parce qu’ils n’ont pas assez insisté”, commente Dominic Vittet. Ça prouve que la persévérance paie, qu’on peut y arriver à force de travail, c’est inspirant, une belle leçon”, abonde Loïs Berrehar, six Solitaire au compteur et qui compte bien y retourner un jour dans l’espoir de, lui aussi, finir par décrocher le graal.

Le Normand, qui n’avait jusqu’ici gagné qu’une étape (en 2014), en a ajouté deux à son palmarès, la première et la dernière, terminant deuxième de la seconde, ce qui fait dire à Pierre Quiroga : C’est une master class, le vieux sage a montré la voie à tout le monde, il n’y avait pas photo, il y avait une classe d’écart entre lui et les autres. Ce n’est pas une Solitaire sans erreurs, mais elle a été contrôlée, réfléchie, tout ce qu’on connaissait d’Alexis depuis des années et qu’il a enfin transformé, l’histoire est très belle.”

“Un chef-d’œuvre de figariste”

Corentin Horeau, vainqueur en juin du Tour de Bretagne avec Alexis Loison, ajoute : “Si tu relis mes pronostics de l’année dernière, je disais qu’en termes de niveau technique, il était au-dessus de tout le monde, je n’avais pas changé d’avis cette année, je savais de quoi il était capable.” Pour Dominic Vittet, Alexis a fait preuve d’une résilience absolument extraordinaire, je pense notamment à sa descente dans le golfe de Gascogne sur la deuxième étape ou à la dernière, où il se fait reprendre à la pointe Bretagne parce qu’il arrive au mauvais moment avec du courant contraire dans le Four, mais arrive à remettre le couvert pour reprendre la tête“.

Pierre Quiroga confirme : “Sa deuxième étape est un chef-d’œuvre de figariste, il a su placer ses pions petit à petit pour gratter des places et finir avec très peu d’écart.” Et le vainqueur de la Solitaire 2021 d’ajouter : “Sur la dernière, j’ai eu un peu peur pour lui, parce que sur les vidéos, je le trouvais très fatigué à la sortie de La Corogne. Vu le nombre de virements au programme, la seule interrogation qu’on pouvait avoir était liée au fait de savoir s’il allait pouvoir donner autant au niveau matossage que les petits jeunes de 25 ans, il a su tenir la cadence.”

Qu’est-ce qui explique que le skipper de Groupe Réel ait réussi à cocher toutes les cases cette année et pas avant ? “J’ai envie de dire qu’il avait presque trop d’humilité, répond Corentin Horeau. Il avait du mal à se dire qu’il était meilleur que tout le monde, alors qu’il l’était. Je pense que cette année, il se l’est vraiment mis dans la tête. A l’arrivée, ça donne cette apothéose, une course où, un peu comme dans un rêve, tu arrives à faire tout ce que tu veux.” Pierre Quiroga ajoute : “Il y avait aussi un parcours taillé sur mesure, la première étape a donné le ton, avec cinq traversées de la Manche, un exercice qu’il maîtrise sur le bout des doigts.” Pour Dominic Vittet, c’est le marin de l’année ! Il gagne le Tour de Bretagne, le Fastnet et la Solitaire magistralement.”

“Charlotte entre dans
une autre dimension”

Derrière le Normand, c’est donc Charlotte Yven qui, à 28 ans et pour sa 5e participation – sa dernière sous les couleurs de Skipper Macif -, termine deuxième, avec à la clé deux podiums d’étape (3e de la première et de la troisième) et le meilleur résultat d’une femme dans l’histoire de la Solitaire, titre qu’elle co-détenait depuis l’an dernier avec Jeanne Grégoire avec sa 5e place. “Elle a été impressionnante de vitesse, de placement, de sérénité et de stratégie, elle fait notamment un passage de dorsale de la deuxième étape incroyable de feeling, admire Tanguy Leglatin qui, note que “la Vendée lui a donné des bases solides [elle a débuté en Figaro sous les couleurs du Team Vendée Formation, NDLR]elle a su concrétiser avec la Macif en tirant profit de ce que peut apporter une telle filière.”

“Avec cette deuxième place, elle entre dans une autre dimension, d’autant qu’elle la décroche au terme d’une Solitaire qui a été dure. Même s’il n’y pas de différence à faire entre les hommes et les femmes, il fallait assurer physiquement pour obtenir un bon résultat et elle a assuré grave ! s’enthousiasme Corentin Horeau. “Elle a fait une course absolument incroyable, se réjouit quant à lui son ex-coéquipier au sein de la filière Skipper Macif, Loïs Berrehar. J’ai passé beaucoup de temps à travailler avec elle et à la voir progresser, je pense que là où elle a franchi un cap, c’est au niveau de la confiance en elle. Entre ses deux victoires sur la Transat Paprec et sa deuxième place d’étape l’an dernier, elle en a emmagasiné beaucoup, la prochaine marche, c’est de gagner des étapes et la Solitaire !”

“C’est le dernier palier qu’il lui reste à franchir, confirme Dominic Vittet. Il lui manque juste cette capacité à prendre la tête et à la garder. Elle aurait pu y arriver sur la deuxième étape, ce n’est pas passé loin, mais pour gagner la Solitaire, il faut savoir porter le coup décisif et contrôler ses adversaires.”

Des jeunes prometteurs

Derrière ce duo attendu aux avant-postes avant le coup d’envoi de la 56e édition, la troisième place d’Arno Biston (29 ans), premier bizuth en 2024 (11e au général) et dans le top 5 des trois étapes cette année (5e-4e-4e), fait office de surprise aux yeux de nos experts. “Je l’avais vu l’année dernière quand je courais avec Basile (Bourgnon), on s’était dit qu’il avait du potentiel, mais faire troisième pour sa deuxième participation, chapeau !, résume Corentin Horeau.

Tanguy Leglatin, qui entraîne le skipper d’Article.1 à Lorient, est plus nuancé : “C’est une surprise, oui et non. Oui, parce que sa saison a été difficile, il avait un tout petit budget, et au dernier stage, il était un peu perdu. Non, parce que c’est quelqu’un qui a la niaque et une science de la régate assez forte, je pense que sa première étape lui a permis de reprendre confiance, il a réussi à rassembler ses esprits pour se focaliser sur ce qu’il sait bien faire, et au final, il a été assez impérial.”

Au rayon des surprises, Hugo Cardon (23 ans, Sarth’Atlantique) n’est pas en reste, 6e et premier bizuth au général, avec à la clé une victoire d’étape (la deuxième à Vigo). “C’est un jeune hyper méritant, qui a trouvé un peu de budget au dernier moment et s’est arraché tout l’été pour dénicher des voiles d’occasion et se présenter au départ avec une config qui tienne la route, poursuit Tanguy Leglatin, qui le coache également à Lorient. Je l’ai trouvé très résilient sur la dernière étape, à un moment, il fait un petit décalage à l’est qui peut lui coûter très cher, mais au final, il s’accroche, revient et fait 8e.” 

Pour finir, s’ils notent les belles progressions de Jules Ducelier (Région Normandie, 4e) et de Victor Le Pape (Région Bretagne-CMB Espoir, 5e), tous nos experts soulignent la performance de Tom Goron. Après une première Solitaire achevée à la 14e place l’an dernier, le skipper de Groupe Dubreuil termine cette fois 7e, à seulement 19 ans, avec un podium sur la dernière étape (2e). “C’est du solide ! s’exclame Loïs Berrehar. Il a la vitesse, est capable d’attaquer et de mener la flotte, ça veut dire qu’il a une forme de confiance en lui assez rare à cet âge, c’est beau à voir. J’espère qu’il va avoir les moyens de s’exprimer les prochaines années, parce qu’il le mérite.”

Conclusion de Dominic Vittet, vainqueur de la Solitaire voilà plus de 30 ans : “Sur cette édition, on a vu de nombreux jeunes talentueux, capables de s’adapter très vite aux différentes situations, ça me rend très optimiste pour l’avenir, la Solitaire est bien vivante !

Photo : Vincent Olivaud

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