Débuté en 2020, le partenariat en Class40 entre Crosscall et Aurélien Ducroz s’achève en cette fin d’année. Le marin/montagnard de 43 ans est désormais tourné vers un nouvel objectif, cumuler Vendée Globe 2028 et ascension de 82 sommets de 4 000 mètres dans les Alpes. Il s’en explique pour Sailorz.
Crosscall vient d’annoncer la fin du partenariat qui vous liait depuis 2020, c’était prévu ?
Oui, tout à fait, c’était programmé depuis que nous avions reconduit notre contrat il y a trois ans, c’est pour ça que ça fait un petit moment que je travaille sur la suite, je savais qu’on allait arriver au bout de cette histoire.
Tu termines par une 28e place sur la Transat Café L’Or avec Jonathan Chodkiewiez, j’imagine que ce n’est pas le résultat que tu visais ?
C’est clair, la course a été compliquée, parce qu’on a eu un problème technique au niveau de Madère qui nous a obligés à nous arrêter et derrière, on un scénario météo très défavorable. C’est décevant, parce qu’on avait connu le même scénario avec Vincent (Riou, 26e place) il y a deux ans, j’ai eu l’impression de revivre la même chose. En plus, c’était la dernière course du projet, j’avais vraiment envie de finir sur une belle note et d’être à la bataille dans le paquet de tête, ça ne s’est malheureusement pas passé comme ça et c’est forcément assez dur à encaisser, mais c’est la dure loi du sport !
Quel bilan dresses-tu de tes six années sous les couleurs de Crosscall ?
Il est d’une certaine manière hyper positif, parce que j’ai énormément appris et grandi. Je me suis retrouvé à construire et à développer un Class40, l’expérience a été assez dingue et je pense qu’on ne s’est pas trop trompés sur le bateau (Lift V2, plan Lombard). Au final, sur le projet, toutes les courses d’avant-saison se sont souvent bien passées, avec que des top 10 et parfois mieux, sachant qu’il y a un niveau de dingue en Class40 et que c’est dur d’être complètement devant. En revanche, on n’a jamais réussi à transformer sur une grande course, on les a toutes ratées, avec des pépins techniques sur les transats Jacques Vabre ou Café L’Or, un démâtage sur le Rhum, un étai cassé sur The Transat, et ça, c’est hyper frustrant. D’autant que parfois, ça s’est joué sur des détails à la noix. Mais sur la globalité, j’ai été hyper heureux d’avoir mené un projet de A à Z et d’avoir vécu ces courses dont je rêvais. Je me suis retrouvé au départ de ma première Route du Rhum dix ans après avoir commencé la voile, je suis hyper fier d’avoir réalisé tout ça et progressé pendant cinq saisons complètes, alors qu’avant, je faisais du bateau une fois de temps en temps.
“Le retour de Martinique m’a fait
énormément de bien”
C’est exactement ça et je pense que ce projet m’a fait devenir marin, très clairement, j’ai passé beaucoup plus de temps ces cinq dernières années à faire du bateau qu’à skier, alors que c’était l’inverse avant. J’étais le skieur-navigateur, et désormais, aux yeux des autres skippers, je suis le marin, ils ont oublié que je venais de la montagne.Si tu devais retenir un haut et un bas pendant ces cinq ans ?
Le bas, c’est le démâtage de la Route du Rhum. C’était dur émotionnellement, avec un retour à la dérive pendant six jours qui a vraiment été difficile. C’est une course dont je rêvais, donc j’avais été extrêmement triste de ne pas aller jusqu’au bout. Et le haut, je dirais que c’est la mise à l’eau du bateau, parce que pour moi, concevoir, construire et développer un bateau, ça me paraissait tellement irréaliste. Et je rajouterais quand même le convoyage retour que j’ai terminé début décembre, j’ai mis douze jours et demi à rentrer de Martinique, je me suis régalé, avec zéro bug, le bateau qui déroulait. Cette dernière transat m’a fait énormément de bien, parce que si j’avais dû finir le projet sur la déception de la Transat Café L’Or, ça n’aurait pas été très cool.
“Je me sens prêt et crédible”
La réflexion est simple : depuis que j’ai découvert la voile, je rêve de Vendée Globe. Mais je ne voulais pas y aller n’importe comment et je pense que le projet que je viens de boucler m’a mis en confiance sur le fait de pouvoir tenter cette aventure autour du monde, c’était une étape nécessaire. J’en ai toujours eu très envie, mais désormais, je me sens prêt et crédible. Et il y a un petit truc en plus, c’est que la montagne m’a quand même manqué au cours des cinq dernières années, donc je me suis qu’il y avait peut-être moyen de concilier les deux en créant un programme où voile et montagne feraient partie d’un même projet. D’où cette idée d’intégrer l’ascension des 82 4 000 des Alpes à mes saisons de voile. C’est ambitieux, mais réaliste, ce n’est pas les 82 en un an, on a trois ans pour le faire. J’avais envie de monter un projet plus identitaire, qui me corresponde plus, en y associant la fondation Je pars, tu pars, il part, dont je suis parrain depuis des années et qui permet d’envoyer en vacances à la mer ou à la montagne des familles qui n’en ont pas les moyens. Germain Lelarge, son président, a été un de mes sponsors quand j’ai commencé la voile sur le Tour de France en 2015, ce projet est finalement né de ses besoins de communication et de mes envies de mer et montagne. Maintenant, on cherche des partenaires mécènes pour nous accompagner.Quel type bateau et vises-tu ?
Très probablement un bateau à dérives pour simplifier les choses, être sûr d’y arriver et parce que financièrement, les foilers me paraissent trop lourds. Au début, je voulais racheter celui de Louis (Duc), je n’ai pas pu être dans le timing [il a été racheté par le Japonais Masa Suzuki, NDLR], mais globalement, ceux qui m’intéressent sont les bateaux de 2008 qui ont des performances assez proches, majoritairement des plans Farr. Certains me plaisent plus que d’autres, parce qu’ils ont été extrêmement bien entretenus, je pense à ceux de Guirec (Soudée), Manu (Cousin), Violette (Dorange) ou l’ancien Acciona qui est de 2012.Quel budget souhaites-tu réunir et quel est ton planning idéal ?
Le budget serait d’environ un million d’euros par an, avec un peu de complément pour la montagne qui coûte beaucoup moins cher que le bateau ! L’ambition est de démarrer le plus vite possible, idéalement d’être au départ du Rhum 2026, mais comme tu le sais, la situation économique n’est pas folle, on espérait que ça irait plus vite, même si on a déjà cinq-six engagements fermes à nos côtés. Donc on pourrait ne commencer qu’en 2027, ce que permet en plus le nouveau système de qualification pour le Vendée Globe, je ne me mets pas vraiment de date butoir. Pour la partie montagne, ça peut démarrer vite, peut-être dès le printemps. Je vais partir en binôme avec une amie guide, Giulia Monego, qui va gérer tout ce qui est logistique. L’ambition est aussi d’amener avec nous un maximum de personnes, partenaires, donateurs, sur certains sommets plus accessibles, on veut que ce projet montagne soit très participatif.
Photo : Crosscall Sailing Team