Gitana 18

Gitana 18 au scanner

Très attendu, le nouveau Gitana 18, dessiné par Guillaume Verdier avec le Gitana Team, a été dévoilé mercredi à Lorient. Sailorz était présent et vous présente les principales innovations de l’Ultim de Charles Caudrelier.

C’est dans les locaux lorientais d’un Gitana Team au grand complet qu’a été dévoilé mercredi 3 décembre en fin de journée le dernier-né des Ultim, Gitana 18Ariane de Rothschild, fondatrice avec son mari Benjamin Benjamin (décédé en 2021) de l’écurie de course au large, a ouvert la soirée en rappelant les raisons qui ont conduit à lancer ce nouveau bateau. Gitana 17 était arrivé à maturité, on s’est alors posé la question de savoir si on continuait avec des améliorations totalement faisables ou si, une fois de plus, on prenait le risque d’aller vers quelque chose de très radical, sachant que nous avions la conviction très forte qu’on pouvait aller encore plus vite plus loin.”

Pour le skipper Charles Caudrelier, qui a rejoint le Gitana Team en 2019, la problématique était claire : Gitana 17 volait bien, mais dès qu’il y avait de la mer, on avait beaucoup de soucis pour stabiliser le vol, ce qui faisait baisser les moyennes. Dans plus de 1,5-2 mètres, on perdait 4-5 nœuds de vitesse, on a donc cherché des solutions pour mieux voler dans la mer et décoller plus tôt.”

La réflexion, menée avec Guillaume Verdier, a notamment été nourrie par le simulateur développé par Team New Zealand et utilisé par l’architecte, qui a permis, selon Erwan Israël, l’un des piliers du Gitana Team, “de tester toutes les idées, on a notamment fait beaucoup d’études fluidiques sur les coques pour vraiment bien reproduire le comportement dans les vagues”. Tout ce travail a donc abouti à Gitana 18 qui, selon le directeur général du team, Cyril Dardashti, a nécessité “12 mois d’études, 24 mois et 200 000 heures de construction, avec 200 personnes qui sont intervenues aux quatre coins du monde”. En particulier à Lorient chez CDK Technologies, qui, d’après son directeur général Stéphane Digard, a construit 80 % des pièces du bateau en autoclave, ce qui n’avait jamais réalisé auparavant.”

Passée cette présentation liminaire, Gitana 18 a été enfin dévoilé, avec un film présentant ses principales innovations et sa décoration, œuvre des artistes Florian et Michaël Quistrebert, suivi des commentaires sur la scène de Charles Caudrelier, Guillaume Verdier, Pierre Tissier et Sébastien Sainson – ces deux derniers respectivement directeur technique et responsable du bureau d’études du Gitana Team. Et pour aller plus loin, a été organisée dans la foulée une série d’ateliers destinés à entrer dans les détails d’un nouvel Ultim qui, comme son prédécesseur, entend marquer son époque.

Un mât à barres de flèche,
un cockpit abaissé

Les nouveautés en question ? Commençons par le gréement, avec un mât plus grand de 1,5 mètre et doté de barres de flèche dynamiques, une solution que Charles Caudrelier explique ainsi : “Le problème des bateaux volants, c’est qu’il faut les faire décoller, ce qui nécessite de la puissance dans les voiles, donc une grand-voile très creuse. Mais dès qu’on vole, on accélère très vite et il faut réussir à rendre cette voile beaucoup plus plate. Pour cela, on s’est inspirés des bateaux de la Coupe de l’America qui arrivent à tordre le mât pour affiner la voile. Avec un mât-aile gigantesque, il fallait trouver une solution que je puisse gérer sans perdre trop d’énergie, donc on a opté pour des barres de flèche qui bougent de 35 degrés, permettant de changer la forme du mât, donc de la grand-voile.”Changement également au niveau du roof, “structurellement très intégré à la coque centrale” dans un objectif de plus grande raideur de la plateforme, selon Guillaume Verdier. Sous le roof, un cockpit qui peut être entièrement fermé, “un peu plus petit que sur G17 (4,8 m2 contre 6) mais mieux optimisé, avec une bannette à bâbord, la cuisine à tribord, la table à cartes à l’arrière, deux sièges de veille de chaque côté et deux postes de barre davantage centrés et plus protégés”, détaille Yann Le Govic, membre du Gitana Team. Qui précise que si le cockpit a été abaissé, il permet de garder de la visibilité sur l’avant, les côtés et les voiles, mais aussi sur la zone sensible du pied de mât, ce qui nous manquait un peu avant.”

Pour manœuvrer, Charles Caudrelier dispose de deux petits winchs et de deux plus gros, plus deux colonnes, dont une servira à alimenter en huile (100 litres en tout) les vérins hydrauliques – customisés – au nombre de 44 (contre 18 sur Gitana 17). Ces derniers actionnent la bascule du mât, les montées/descentes de foils et de safrans, les flaps de safrans, dérive et foils, ainsi que l’écoute de grand-voile et le cunnningham. Le plus petit (700 grammes) permet de pousser une tonne, le plus gros, de plus 40 kilos, 28 tonnes pour la bascule du mât.

10-11 nœuds de vent pour décoller

Pour permettre une meilleure stabilité de vol et un décollage plus tôt, un grand soin a évidemment été apporté aux appendices, avec, là encore, de nombreuses innovations. Ce qui est le cas de la dérive, très haute (4,5 mètres) et dotée de deux volets réglables. Elle s’appuie sur une aile de raie (plan porteur) de 3 mètres d’envergure, positionnée à l’arrière de la partie verticale de l’appendice, l’objectif étant de “maximiser l’hydrodynamisme et de réduire les perturbations de flux et les problèmes de cavitation”, selon Sébastien Sainson. Cette aile de raie a été pour la première fois fabriquée en métal“Le carbone est très performant, léger et raide, mais le métal, certes plus lourd, permet à l’appendice de moins se déformer, donc de mieux porter et de générer moins de traînée”, explique An Bertrand, ingénieur du Gitana Team.

Du côté des foils, l’équipe de design s’est inspirée de la Coupe de l’America avec des foils en Y réglables en trois dimensions (latéral, longitudinal, portance), dotés d’une aile de 5 mètres d’envergure et d’un bulbe de 2,40 mètres, et fixés directement sur le pont des flotteurs, et non plus dans des puits, afin de pouvoir les rentrer vers l’intérieur de la plateforme ou les escamoter. On a besoin d’un bateau deux-en-un, explique Guillaume Verdier, dans le sens où quand le vent vient de l’arrière, on a plutôt envie de ne pas exploiter à fond le couple de redressement, donc d’avoir des foils légèrement intériorisés, tandis qu’au reaching et au près, on veut exploiter le couple au maximum, donc avoir les foils très à l’extérieur.”

Au risque de dépasser la largeur maximum autorisée par la jauge de la classe Ultim ? “On a réussi à aller chercher la limite, ce qui nous donne plus de puissance, mais on reste dans la jauge, assure Charles Caudrelier. Autre nouveauté, ces foils sont équipés de deux flaps dissociés“un qui génère de la force antidérive, l’autre du lift”, précise An Bertrand. Guillaume Verdier estime que ces nouveaux foils, certes plus lourds – Gitana 18 affiche 19,5 tonnes sur la balance, 4 de plus que G17 à sa mise à l’eau en 2017 -, devraient permettre “un gain substantiel en stabilité de vol au portant dans des mers formées”. Mais aussi à Gitana 18 de décoller “à partir de 10-11 nœuds de vent”, selon Charles Caudrelier, qui ajoute : “Sur Gitana 17, il fallait 24-25 nœuds de vitesse pour commencer à voler, là, on devrait arriver à soulever les flotteurs à 19-20 nœuds. “

Un pilotage optimisé

Quid des trois safrans ? Oubliez les T, place aux U inversés ! “C’est l’innovation la plus marquante, estime Sébastien Sainson. Sur Gitana 17, on avait des safrans qui se déformaient, Charles s’est parfois fait un peu peur. Donc on en voulait des plus raides et plus grands – ils font 4 mètres de haut, quasiment un de plus – mais ça posait forcément des problèmes de structure, de déformation et d’hydrodynamisme. Au fur et à mesure des idées, nous avons abouti à cette nouvelle géométrie qui a nécessité deux ans de réflexion.” Et le responsable du BE de poursuivre : “Autre spécificité : les safrans ne tournent pas, ils restent dans l’axe et le bateau est dirigé par les deux volets à l’arrière, qui rejoignent le plan porteur de plus de 2 mètres d’envergure (doté également d’un volet pour réguler l’assiette). Ça permet de moins altérer la déformation et d’optimiser le pilotage.”

L’optimisation du pilotage passe aussi par un nouveau pilote automatique, développé en interne avec la société WDS. “Comme on n’était pas satisfaits de ce qu’on trouvait sur le marché, mais aussi parce qu’on avait envie de garder ça en interne, on s’est dit on allait faire notre propre système, explique Charles Caudrelier. On a donc développé ce pilote qui agit vraiment comme un barreur. L’ancien gardait un cap, s’adaptait un peu à la gîte, mais ne comprenait pas le fonctionnement du bateau, alors que là, il est capable d’anticiper ses mouvements et donc de réagir différemment. Sur les records, il pourra gérer tous les paramètres du vol, ce qui est interdit en course.”

Le fonctionnement du pilote, mais également de tous les systèmes, repose sur les nombreuses data fournies par les 500 capteurs du bord (contre 250 sur G17) qui fournissent “3-4 gigas de données par jour”, selon Nicolas Le Griguer, référent électronique, qui arrivent en temps réel sur un data logger, capable de restituer les chiffres au skipper mais également à l’équipe à terre. “On a un système  centralisé et automatisé qui surveille la base de données et vient nous alerter par messagerie instantanée sur des groupes spécifiques en fonction du département ciblé”, poursuit ce dernier.

Bref, Gitana 18 a élevé les curseurs à tous les niveaux, à Charles Caudrelier et à son équipe d’apprendre désormais à le maîtriser – première navigation prévue  fin janvier -, en vue du premier gros objectif, la Route du Rhum 2026. “On a un vrai challenge qui est de réussir le doublé pour Charles et le triplé pour Gitana [vainqueur en 2006 avec Lionel Lemonchois et 2022, NDLR], ce qui n’est jamais arrivé”, sourit Cyril Dardashti.

Image : Olivier Michon / GITANA SA

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