Tom Laperche

Tom Laperche : “Sur la Transat Café L’Or, on repart à zéro”

A 28 ans, Tom Laperche s’apprête à disputer sa troisième Transat Café L’Or de suite sur l’Ultim SVR-Lazartigue, avec un nouveau co-skipper, Franck Cammas, mais toujours des ambitions de victoire. Rencontré jeudi au Havre, le vainqueur de la Solitaire du Figaro 2022 a échangé avec Sailorz.

Dans une interview que tu nous avais accordée en mars 2021, tu nous confiais viser la Route du Rhum 2022 en Multi50 (désormais Ocean Fifty) et le Vendée Globe à moyen terme. Quatre ans et demi plus tard, tu vas disputer ta troisième Transat Café L’Or de suite sur SVR-Lazartigue, qu’est-ce que ça t’inspire ?
Dans cette réponse à l’époque, il y avait déjà une grosse envie de faire du multicoque, il se trouve que ce n’est pas en Multi50 que ça s’est passé, mais en Ultim, et c’est clair que je ne pensais pas à l’époque que ça irait aussi vite ! Mais je m’en souviens bien, parce que c’était le début de ma troisième année de Figaro et que c’est peu après que s’est concrétisé le projet avec François et SVR Lazartigue.

Te souviens-tu de ta réaction quand tu as reçu son coup de fil ?
Oui, c’était à un moment où j’étais bien chargé, un peu comme en ce moment, à quelques jours du départ de la Transat en Figaro [Concarneau-Saint-Barthélémy, dont il prendra la 3e place avec Loïs Berrehar, NDLR]La proposition était double : d’abord d’accompagner François pour la mise à l’eau du bateau et la Transat Jacques Vabre qui arrivait. C’était une opportunité assez exceptionnelle et j’ai répondu par un oui évident, plein de rêves et de projections pour les mois à venir. La deuxième partie était d’être en mesure à moyen terme de prendre en main le bateau en solitaire, et là-dessus, j’avais un peu plus de mal à me projeter, il me fallait plus de temps pour répondre. J’avoue que j’avais été étonné, je pense que François a été convaincu avant moi que j’en étais capable. Ce n’est d’ailleurs qu’en fin d’année, une fois la Transat Jacques Vabre terminée, que j’ai été prêt à m’engager, parce que je mesurais mieux l’ampleur du défi de naviguer en Ultim et que je percevais à peu près ce que pouvait être la dimension du solitaire, mais c’est vrai qu’au début, la marche paraissait grande.

Et cette première Jacques Vabre en 2021, tu en gardes quoi ?
Des souvenirs merveilleux ! Des moments assez grisants de voile à l’état pur, de glisse et de plaisir de pilotage, de découverte du potentiel de ce bateau, de passages d’archipels perdus au milieu de l’Atlantique, à envoyer une voile, manœuvrer… Et à l’arrivée une deuxième place, pas très loin de Gitana, qui était une super satisfaction.

“Franck, c’est vraiment mon choix”

Deux ans plus tard, même bateau, même co-skipper et même résultat, cette fois derrière Banque Populaire XI, et même satisfaction ?
2023, il y a un tout petit peu de frustration de faire deuxième dans le sens où on était en tête à l’île de l’Ascension. Mais on n’avait alors pas les bons réglages pour rivaliser en vitesse au portant avec Banque Populaire autant qu’on l’aurait espéré. Maintenant, il y avait quand même beaucoup de positif de constater qu’on réussissait à rester au meilleur niveau en Ultim après plusieurs courses, sans avoir trop d’avaries. C’est la preuve qu’on avait bien bossé, même s’il a manqué un petit quelque chose qu’on espère avoir comblé cette année.Tu penses que c’est le cas ?
Oui, je pense que dans notre façon de régler le bateau, on a beaucoup progressé dans les conditions qui nous étaient moins favorables. Mais les autres aussi, notamment Banque Populaire, avec des nouveaux foils et des nouveaux safrans qui leur ont permis de combler leur petit handicap sur la partie près et décollage. Donc je pense que ça s’est un peu resserré dans les deux sens. Cette année, on est heureux d’avoir gagné le Fastnet et les 24h Ultim, mais là, on repart à zéro, j’ai le sentiment que les quatre bateaux ont des arguments pour gagner. Et on ne peut pas vraiment savoir avant la course comment vont se passer les cinq jours d’alizés à pleine vitesse, car on n’a pas été confrontés dans ces conditions.

Tu cours cette année avec Franck Cammas, était-ce ton choix ?
Oui, c’est vraiment mon choix, c’est moi qui l’ai appelé. Pour la petite histoire, la seule personne que j’ai consultée pour avoir un avis a été Stève Ravussin, qui a gagné la transat deux fois avec Franck et que je connais très bien, il m’a forcément conforté dans mon choix. Pour moi, l’objectif était à la fois de trouver un marin sachant bien naviguer au large en multicoque pour viser la victoire sur la Transat Café L’Or, mais aussi quelqu’un qui allait nous aider à continuer à développer et « upgrader » ce trimaran. L’expertise de Franck dans ce domaine est vraiment bénéfique, il a navigué sur beaucoup de supports, a une attirance pour le développement technique et l’innovation, il sortait en plus de la Coupe de l’America, où il a pu développer des analyses très fines de ce qui se passe dans l’eau avec les foils, les flaps… Il a apporté un peu de méthode, ça nous aide beaucoup, c’est ce renouveau que je souhaitais apporter dans l’équipe pour essayer de franchir un petit step.

“J’ai envie à 200% de faire partie
de cette histoire”

Tu es né l’année où il a gagné sa première Solitaire, quasiment au même âge que toi (24 ans, 25 pour Tom Laperche), quelle image avais-tu de lui quand tu étais enfant ?
C’est marrant parce que j’ai justement des images de Transat Jacques Vabre. J’ai commencé à vraiment suivre les courses de voile vers les années 2010, à l’époque où il gagnait cette transat avec ses magnifiques Groupama. D’ailleurs, comme moi, il a eu à son âge la confiance d’une équipe et d’un sponsor majeur qui lui ont permis de se retrouver à la barre d’un multicoque dans la classe reine en sortant du Figaro, il y a pas mal de parallèles dans nos parcours respectifs. J’avais aussi l’image d’un marin qui passait sur beaucoup de supports et réussissait très souvent à gagner, du Tour de France au large, en course ou en record, en multicoque et en monocoque, il a marqué plein de disciplines. J’avais enfin l’image d’un bosseur et d’un super développeur technique. Toutes ces courses, il les a gagnées grâce à ses talents de marin, mais aussi en sachant très bien développer ses bateaux, parce qu’il les connaissait parfaitement, ce qui lui permettait de savoir comment et quand appuyer sur l’accélérateur sans les abîmer. Ça me faisait rêver !Aujourd’hui, ce côté développement technique te plaît autant ?
Oui, de par ma formation d’ingénieur, j’ai toujours aimé la technique, la physique, la compréhension des matériaux et des efforts, j’adore discuter avec le bureau d’études et les ingénieurs. J’aime rechercher les curseurs pas évidents à trouver entre fiabilité, légèreté et performance. Au début, je suis arrivé avec une expertise assez limitée, mais le fait d’avoir navigué plusieurs années avec François me permet aujourd’hui d’avoir ma vision sur ce que représente le fait de naviguer en Ultim au large et d’être capable de dicter des choix.

François Gabart prenant du recul, prends-tu toi-même plus de responsabilités au sein de l’équipe ?
C’est effectivement la plus grosse différence de l’année écoulée : comme François n’est plus là au quotidien, c’est davantage à moi de gérer l’humain et les décisions, même si je suis bien entouré avec Antoine Gautier [qui dirige le projet SVR Lazartigue chez MerConcept, NDLR] et des référents de chaque sous-équipe. La passation progressive avec François m’a permis de prendre mes marques, d’être de plus en plus écouté et d’être de plus en plus haut dans la hiérarchie de décision. Il a toujours soutenu tous les choix que j’ai pu faire, ce qui m’a permis de prendre confiance en moi, et aujourd’hui, je pense que l’équipe me fait confiance.

Pour revenir à ma première question, maintenant que tu es bien installé en Ultim, te vois-tu rester longtemps dans cette classe ?
Ce qui est sûr, c’est que j’ai vraiment envie d’être encore engagé dans cette classe reine dans les cinq-dix prochaines années. Naviguer sur ces Ultim, c’est merveilleux, et le développement qu’on peut faire est vraiment stimulant ; aujourd’hui, c’est difficile de dire ce que seront ces bateaux dans cinq ou dix ans et s’ils seront toujours les plus rapides au large. J’ai envie à 200% de faire partie de cette histoire.

Photo : Mathis Dumas

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